Il y a deux cents ans naissait Pauline Viardot

Il y a deux cents ans naissait Pauline Viardot

Fille d’un couple de chanteurs espagnols, sœur de la célèbre Malibran, Pauline Garcia, qui se destinait à une carrière de pianiste, se découvrit à l’âge de seize ans une voix exceptionnelle qui la fit devenir cantatrice à son tour.

Deux ans plus tard, George Sand avec qui elle avait noué une très forte amitié – l’écrivain en fera l’héroïne de son roman Consuelo – l’encouragea à épouser Louis Viardot, de vingt-et-un ans son aîné, qui lui semblait être l’époux idéal tant pour son intérêt pour la musique et la littérature que pour ses engagements politiques. Pauline Viardot ne regretta pas ce choix : l’amour que son mari avait pour elle et l’énergie qu’il déploya pour se consacrer à la carrière de sa jeune épouse lui apportèrent affection et stabilité, et ses connaissances dans le milieu intellectuel lui permirent de rencontrer les personnalités les plus brillantes.

La carrière de Pauline Viardot débuta en France, mais c’est surtout à l’étranger, et notamment en Angleterre, en Russie et en Allemagne qu’elle rencontra les succès les plus éclatants. Ses qualités vocales étaient couplées à un art de la scène qui enthousiasmait les spectateurs.

Très à l’aise dans le bel canto italien, Pauline Viardot eut également à cœur de mettre sa notoriété au service des compositeurs français en quête de reconnaissance publique. En créant La Captive de Berlioz, Sapho de Gounod et Marie-Magdeleine de Massenet, elle permit à ces trois compositeurs d’obtenir des triomphes à l’opéra. Elle chercha par ailleurs à faire revivre des œuvres de musique ancienne – les compositeurs antérieurs à Mozart n’étaient plus joués – et, avec l’aide de Berlioz, remit à l’affiche l’Orphée de Gluck.

Après l’avènement du Second Empire, Louis Viardot étant surveillé par le régime comme opposant républicain, le couple décida de s’établir à Bade, célèbre pour son activité musicale et organisa régulièrement des moments musicaux qui laissèrent un souvenir impérissable dans la mémoire des personnalités artistiques et des têtes couronnées qui y assistaient. Après la guerre de 1870, les Viardot se réinstallèrent à Paris, rue de Douai, où ils recevaient tous les jeudis. Ils achetèrent également, à l’initiative de Tourgueniev, une villa à Bougival.

Tout au long de sa vie, Pauline Viardot attira la sympathie et l’admiration des musiciens, des artistes et des écrivains qui se retrouvaient très fréquemment au cours de ses soirées. Elle était notamment, il faudrait des pages entières pour les citer tous, l’amie de Flaubert, de Tourgueniev qui était pour elle comme un frère, de Delacroix, d’Ary Scheffer, de Chopin qui la fit participer à certains de ses rares concerts, de Wagner qui joua chez elle en avant-première Tristan et Isolde cinq ans avant sa création à Münich, de Clara Schumann qui dit d’elle « Elle est la femme la plus douée que j’aie jamais rencontrée », de Camille Saint-Saëns qui écrivit pour elle Samson et Dalila, de Johannes Brahms, de Gabriel Fauré… Le pianiste Charles-Wilfrid de Bériot, le fils de la Malibran, créa dans son salon le concerto de Grieg juste avant l’arrivée du compositeur à Paris. Franz Liszt, qui avait donné des cours de piano à Pauline Viardot lorsqu’elle était enfant, interpréta rue de Douai en 1886 le Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns. Tchaïkovski la rencontra à deux reprises.

Après la mort de Louis Viardot en 1883, Pauline s’installa 243 boulevard Saint-Germain et s’investit pleinement dans l’enseignement tout en continuant à composer mélodies et opérettes.

Elle mourut dans son sommeil le 18 mai 1910 à son domicile à près de quatre-vingt-neuf ans.

Frédéric Boucher, pour le bulletin de l’AMAH, 29 août 2021